Guilde du Diable-au-Corps
Voici que luit l’enseigne, de notre estaminet.
Voici que la terre saigne, de ce bon vin clairet.
Car
Uylenspiegel y danse, en la ronde des fées.
Leur chantant la bombance, et les amours d’été.
Refrain
Feu (ter) du Diable-au-Corps
Brûlez dedans nos yeux.
Car brûler dans nos yeux
C’est défier la Mort.
Oyez chantres mes frères, montez sur les tréteaux.
Oyez buveurs de bières, chantez Villon l’argot.
Car
Nous sommes les crapules, de l’Université.
Bourgeois, tas de canules, ne savent pas jurer.
Refrain
Nous ignorons la trouille, chantons la Liberté.
Celui qui s’agenouille, perd de sa dignité.
Car
Nous nous foutons pas mal, de la paille du bûcher.
En ce beau jour la paille, nous recueille pour baiser.
En 1892, au numéro 12 de la rue aux Choux, s’ouvrit un cabaret d’un genre particulier : le Diable-au-Corps. Il se trouvait dans une arrière-maison, au fond d’une cour aux murs couverts de vigne, à laquelle on accédait par un long couloir. En évitant de marcher sur les nombreuses poules qui picoraient on ne sait quoi, il fallait atteindre une petite porte vermoulue surmontant trois marches de pierre usées pour enfin pénétrer dans la salle.
La salle était étroite et longue ; le dallage rouge parsemé de sable fin supportait des tables de bois blanc. Au plafond à solives pendaient de petits luminaires de synagogue. Les décorations les plus variées ornaient la salle : lambris décorés de petits carreaux de Delft, divers ustensiles de cuisine démodés et miniatures de voiliers. La lumière filtrait à travers des fenêtres à croisillons et révélait un énorme poêle au fourneau obèse, une haute cheminée campagnarde surplombée d’objets hétéroclites et encadrée d’impressionnants râteliers de pipes de terre cuite, le tout baigné dans la fumée de tabac de l’aimable clientèle.
James Ensor, Paul-Henri Spaak, Pitje Schramouille, Georges Garnir, Charles Plisnier, Amédée Lynen… y côtoyèrent les étudiants de notre Université Libre de Bruxelles.
Les étudiants étaient nombreux à fréquenter ce bibitif cénacle. Certains se réunissaient dans une pièce écartée, une succursale hermétiquement close où ils pouvaient se réunir selon leur rituel : il s’agissait de la plus ancienne société secrète estudiantine fondée en 1886, celle des Nébuleux. Les Nébuleux y tinrent leurs assises jusque bien après la Première Guerre mondiale. De nombreuses autres sociétés d’étudiants y furent également hébergées jusqu’à ce que, en 1928, le Diable-au-Corps « rende l’âme ».
Le nom Diable-au-Corps évoque donc tout un univers de guindaille estudiantine. Quoi de plus fascinant pour un historien que ces festivités, ce bâtiment disparu, enfui dans le passé ?
Mais le terme Diable-au-Corps possède aussi une connotation plus que présente : celle de l’Homme debout, libre, buvant, chantant, aimant, bâtissant, le tout avec la frénésie de celui qui ignore quand la Camarde passera bien qu’il sache avec certitude qu’elle viendra.
C’est cette dualité du sens du nom du cabaret que reprend le band du Cantus en ses couleurs : le gris au sein du rouge. Le gris rappelle l’aspect passé du terme Diable-au-Corps en reprenant la couleur de notre faculté de Philosophie et Lettres. Le rouge symbolise, lui, la vie par le lien qu’il entretient avec le sang humain, avec le sang de la terre : le vin, avec nos trognes réjouies, bien évidement, le rouge établi aussi la relation avec le Diable que l’imagerie populaire représente souvent de cette couleur.
« Devant ce siècle, une seule parole vient au Cantus : Vivre le Diable-au-Corps ! »